Bonsoir docteur Linton, vous êtes président de la fondation Eugene Bell et reconnu comme un des meilleurs spécialiste américain sur la Corée du Nord , comment pouvez-vous expliquer cet intérêt pour la Corée du Nord ?
J’ai grandi en Corée du Sud et mes grands parents et parents étaient missionnaires. Je suis rentré au États Unis à l âge de 12 ans. Je me suis rendu en Corée du Nord pour la première fois en 1979 comme observateur et traducteur d’un tournoi de tennis de table, j’ai trouvé ce voyage intéressant et je me suis mis à étudier la Corée du Nord, j’étais professeur assistant.
Après un moment, j’ai réalisé que les coréens-américains étaient les plus intéressés par la situation car un certain nombre d’entre eux avaient de la famille en Corée du Nord dont ils avaient été séparé par la guerre.
A cette période, il n’y avait pas de moyen pour fournir de l’aide, cela posait beaucoup de problème d’envoyer du matériel sans passer par le biais officiel.
C’est alors que vous avez créé Eugene Bell ?
Oui, J’ai réalisé que nous devions créer un mécanisme avec des petites institutions coréennes américaines pour envoyer de l’aide à la Corée du Nord de manière officielle, efficace et transparente.
La fondation a commencé à mettre un dispositif en place qui permettait à chaque petit groupe de rejoindre un cadre pour l’envoi de support au peuple nord-coréen. Nous avons mis ce système à disposition du public ce quiévitait beaucoup de difficultés aux petites organisations.
Au début nous prenions en charge le programme mondial de nourriture, mais nos containers n’étaient pas suffisants pour assumer les milliers de tonnes envoyées par le Fonds Mondial.
Nous avons commencé par former une délégation pour nous rendre en Corée du Nord, délivrer personnellement les containers, cela revenait moins chers.
En Chine, nous avons pu acheter du maïs et bâtir notre programme pilote à partir de cette ressource à bas prix et de bonne qualité.
Grâce aux donations reçues, nous avons pu envoyer plus de 100 containers.
Quel est l’élément déterminant qui a finalement orienté votre travail en direction des malades atteints de la tuberculose?
Durant l’un de ces déplacements, en traversant la frontière à partir de la Chine en 1996, beaucoup de personnes étaient rassemblées dans une ville près de la gare et elles étaient vraiment en très mauvaise forme. Elles semblaient affamées, je suis retourné en Chine pour acheter de nourriture, mais j’ai échouécar cela était impossible de la distribuer à des gens en déplacement qui n’étaient enregistrés nul part. Ce fut un moment difficile que de voir cette situation et de ne pas pouvoir aider.
Les autorités nord-coréennes m’ont fait comprendre que mes intention étaient bonnes et qu’il serait bien d’envoyer cette nourriture dans des centres de tuberculose, là où les malades ne pouvaient ni partir, ni travailler.
C’est ainsi que nous avons commencé à travailler avec les sanatoriums en Corée du Nord.
Lorsque la situation alimentaire s’est stabilisée nous avons été invité l’année suivante par le service du ministère de la santé à orienter notre aide en direction des centres de tuberculose pour fournir des médicaments, des microscopes, des appareils radios.
Nous avons débuté par la création des serres afin de permettre aux centres de produire davantage de nourriture et ensuite nous avons fourni avec un package programme, la possibilité de soutenir un sanatorium dans toutes ses dimensions : tracteurs appareils radios, médicaments, microscope.
Quelle est la raison qui vous a amené à vous spécialiser dans les traitements de la tuberculose résistante
En 2004, l’OMS (organisation mondiale de la santé) a commencé à fournir un support financier pour lutter contre la tuberculose ; en concertation nous nous sommes partagés le terrain et nous avons pris en charge la partie ouest, l’OMS est intervenue sur le reste du pays.
Ensuite en 2008 le fond mondial est intervenu pour fournir à travers l’UNICEF les moyens financiers de prendre en charge tous les patients dans le pays.
A partir de ce moment, l’objectif étant atteint, nous avons réorienté notre action.
Nous avons décrypté avec attention leur programme et nous nous sommes aperçus que celui-ci ne prenait pas assez en compte les malades atteints de la tuberculose résistante.
Nous avons donc décidé de concentrer nos moyens sur la lutte contre la tuberculose résistante.
Eugene Bell a commencé avec 19 patients, je dois reconnaître que j’étais un peu septique sur notre possibilité de pouvoir financer des traitements qui coûtent, malgré tous nos efforts pour réduire les coûts, 5000 dollars par patient.
A ce jour, nous prenons en charge plus de 1500 patients tous les 18 mois sur toute la partie ouest de la Corée du Nord. Plus de 13 centres de soins sont soutenus par notre fondation.
Malheureusement en février, le fond mondial a annoncé, sans en préciser les raisons, l’arrêt du programme de financement des traitements pour la tuberculose classique. C’est une catastrophe.
Dans ces conditions comment voyez vous l’avenir concernant l’éradication de la tuberculose en Corée du Nord ?
Nous revenons à la case départ, c’est un problème tragique car nous ne pouvons pas subvenir à soigner tout le pays, ni stopper les soins aux patients atteints de tuberculose résistante.
Nous essayons de trouver une solution et relançons des alertes pour le maintien des soins afin que le gouvernement sud-coréen puisse les prendre en charge, deux millions de dollars cela ne représente pas beaucoup pour le Sud.
Dans cette mission catholiques et protestants travaillent ensemble, comment percevez vous cette dimension œcuménique ?
Trouver des volontaires qui peuvent venir régulièrement trois semaines tous les six mois est un véritable challenge, je remercie les prêtres catholiques qui participent à notre action, sans eux ce travail ne serait pas possible.
Je suis anglican avec un arrière-fond presbytérien.
Pour moi l’oecuménisme, ce n’est pas renoncer à soi même, mais trouver un terrain commun pour agir ensemble. Aider les malades, est ce terrain commun qui nous permet d’agir ensemble, tout en restant chacun nous même.